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« Ceux qui aiment vraiment la justice n’ont pas droit à l’amour.1» Albert Camus l’a écrit avec finesse : il semble exister comme une opposition tragique entre l’idéal de la justice et celui de l’amour.

La justice ne tolère pas l’arbitraire de l’amour ; l’amour, quant à lui, ne supporte pas l’imperturbabilité de la justice. Certes, on peut juger avec clémence comme on peut aimer avec droiture. Mais c’est souvent avec raison que l’on juge et sans raison que l’on aime.

Quand survient le tort, le coeur de l’homme crie au scandale, il crie à la rétribution : le coupable doit payer et la justice doit être rétablie. Puisque la victime n’a pas échappé à l’offense, pourquoi le coupable échapperait-il à sa punition ? Le pardon semble transgresser la loi de la justice puisqu’il obéit à la loi de l’amour. Le pardon est-il contraire à l’idéal de justice ?

 

Pardonner, est-ce nier le mal ?

 

On pourrait reprocher au pardon de nier le mal commis. Si je laisse mon offenseur impuni et que je lui pardonne, est-ce que je ne risque pas de lui faire croire que ce qu’il a fait n’est pas si grave, ni si terrible ?

En réalité, le pardon ne nie pas vraiment le mal qui a été fait. Au contraire, le pardon porte en lui la reconnaissance de l’offense. Le pardon reconnaît implicitement l’exigence de justice plutôt qu’il ne s’y oppose.

Le pardon reconnaît implicitement l'exigence de justice plutôt qu’il ne s’y oppose.

Paul Kronberger

Le philosophe Olivier Abel écrit avec justesse :

« Bien-sûr, la justice appelle à punir le coupable quand le pardon y renonce ; mais le pardon n’a de valeur que s’il existe cette possibilité de rendre le mal pour le mal, si la victime a les moyens de faire valoir sa force : “On ne peut pardonner que ce qu’on peut punir”, dit Simone Weil.2»

 

Pardonner, est-ce abdiquer face au mal ?

 

Est-ce que le pardon ne pousse pas à nous avouer vaincu devant la réalité du mal ? La justice nomme le mal, sanctionne le coupable et dissuade le récidiviste. Le pardon, lui, semble absoudre capricieusement le coupable, sans mesure et sans discernement. De plus, il risque d’encourager la répétition de la faute, là où la punition cherche au contraire à l’éviter.

 

Là encore, il est possible de changer de perspective et de montrer que le pardon ne cautionne nullement l’offense, mais se dresse au contraire comme une révolte ferme et assurée face la fatalité du mal. Il s’agit de refuser que le mal demeure souverain sur nos existences. Pour cela, il faut briser la spirale infernale de la vengeance et de la rancœur. L’apôtre Paul écrit que là où est le mal, la grâce et l’amour peuvent surabonder 3. Les dommages de l’offense ont semé la mort et la destruction, mais le pardon peut faire surgir une nouvelle promesse de vie, libérée des enfermements du passé.

 

Qui va payer ?

 

Si le pardon ne nie pas le mal, ni ne s’y résigne, en quoi a-t-il pour autant satisfait l’impératif de justice ? Il faut rappeler que jamais le christianisme ne contredit cette vérité que chacun doit payer pour ses fautes. Celui qui a commis une offense ne pourra échapper au jugement. Cependant, l’Évangile offre une porte de sortie au coupable : laisser Jésus-Christ être châtié à sa place. C’est tout le sens de la croix : Jésus a pris la punition de quiconque croit en lui pour que cette personne puisse recevoir un pardon entier, sans que l’exigence de justice ne soit pour autant nullement transgressée.

1. Albert Camus, Les Justes, Folio (n°477), 1950 (1977), p.106.
2. Olivier Abel, Entretien paru dans le livre « Mille pardons » de Guillemette de Sairigné, Robert Laffont, septembre 2006, chapitre 18.
3. Lettre aux Romains, chapitre V, verset 20.
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