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La peinture de scènes, classique, trouvait une bonne part de ses sujets dans des sources bibliques. Elle représentait des histoires bibliques et pouvait être centrée sur le thème du pardon. Mais, force est de constater que rares sont les œuvres d’art moderne qui ouvrent sur le pardon. Il est beaucoup plus facile, au contraire, d’en trouver qui expriment la haine ou la volonté de destruction.

Chagall ( 1887-1985 ) est un artiste à part. D’origine russe, et juive, tout en créant une œuvre qui se rattache à la modernité, il a très souvent maintenu, dans ses œuvres : peintures ; eaux-fortes, ou vitraux, un dialogue avec la Bible. Donc, cherchant une œuvre moderne ayant abordé la thématique du pardon, c’est vers lui que je me suis tourné.

 

            Arrêt sur œuvre

            « La Crucifixion blanche » est une huile sur toile, datée de 1938.

Que voit-on ?

La teinte dominante de l’oeuvre est un blanc gris, partout répandu. Quelques taches de couleur, limitées, émergent seulement, liées aux flammes, jaunes, aux drapeaux, rouges, et au manteaux, vert ou bleu, de deux personnages.

L’oeil est immédiatement happé, au centre de la toile, par un Christ en croix. Celui-ci porte un « talith », soit un châle de prière juif, autour de la taille.

Autour de cet axe central, que constitue la croix, nous avons une série de scènes qui se succèdent, comme autant de rayons d’une roue qui tournerait.

Au-dessus de la croix, quatre personnages flottent : une femme et trois hommes. Ils pourraient représenter les anciens, décédés, personnages bibliques et rabbin. Leurs regards sont portés sur la croix, et ils semblent horrifiés par ce qu’ils voient.

En tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, vient ensuite une scène de destruction : un homme, dont le visage, sans trait, est rouge, comme la main, met le feu à une synagogue. Des objets du culte ont été jetés au sol.

Plus bas, un personnage en vert, portant casquette, est emporté dans un élan vers l’au-delà du cadre de l’oeuvre. Il fait penser au personnage mythique du Juif errant. Il part, dans la fumée qui se dégage d’un rouleau de la Torah, en feu.

En bas du cadre, une femme protège un enfant, tandis que sous les pieds du Christ, brûle la « ménorah », soit la chandelier juif.

Dans le coin bas gauche, trois hommes sont  en fuite, dont un qui emporte les rouleaux de la Torah, menacée.

En remontant, à gauche, on voit un bateau surchargé, en fuite à nouveau, de la persécution, sans nul doute.

Au-dessus, un village, un de ces « shtetls »  du « yiddishland » est victime d’un pogrom :  une bande d’assaillants descend sur le village, certains, l’arme levée, d’autres, portant des drapeaux rouges.

Voici donc ce que l’œil peut percevoir dans cette œuvre habitée par un mouvement inhabituel, que l’on pourrait mettre en relation avec le montage cinématographique.

 

            Proposition de signification

 

Premier motif d’étonnement : qu’un peintre juif choisisse de représenter une crucifixion est improbable. Il y a même quelque chose de provocateur dans ce choix. Mais on notera immédiatement que Chagall ne peint pas comme un peintre chrétien. Son Christ n’est pas Dieu incarné des chrétiens, mourant sur la Croix, pour sauver l’humanité. Ce n’est clairement pas ce que Chagall veut montrer.

Le Christ de Chagall est Juif : c’est bien sur cette dimension-là qu’il insiste. Surmontant la tête du Christ, on lit, sur la croix, l’inscription : « INRI », traduite, au-dessous, en araméen. « Celui-ci est le roi des Juifs ». D’autre part, aux pieds du Christ, on a le halo de lumière dégagé par la « ménorah ». Un rayon tombe du ciel, mettant en lumière, non pas le Fils de Dieu, mais le représentant d’un peuple meurtri. Car c’est la souffrance du peuple Juif, que Chagall dénonce, et non la mort injuste du Christ, innocent, pour sauver les hommes de leur péché.

Ce tableau n’est pas une œuvre chrétienne. Toutefois, en le regardant, on peut entendre une parole du Christ en croix, et cette parole est la suivante : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » ( Luc 23 : 34 )

Pour bien faire ressortir la puissance du message de Chagall, je voudrais établir un opposition entre lui et Picasso. En 1937, le peintre espagnol peint le fameux tableau : « Guernica », protestation contre le bombardement de la petite ville du même nom, entrepris par l’aviation allemande, au service du régime franquiste. Ce chef d’oeuvre de la peinture moderne, également dans les teintes de gris et de noir, a la puissance d’un cri. Un terrible cri de douleur, et peut-être de haine, envers ceux qui ont fait « ça » !

« La Crucifixion blanche », elle, ne crie pas la haine. Replacée dans son contexte historique, l’oeuvre renvoie, en 1938, aux pogroms fréquents dans les pays de l’Est, aux exactions du régime stalinien, mais aussi aux violences à venir contre les Juifs, sous le régime nazi. Cette année-là se déroule la tristement célèbre « nuit de cristal », qui marque le début du calvaire des Juifs, en Allemagne.

Chagall peint le déchaînement de la violence, injuste, contre son peuple. Il affirme sa solidarité. Toutefois, l’oeuvre comporte un élément de douceur, sans doute lié à la teinte blanchâtre, rayonnant de la Croix. Les hommes sont terriblement violents, injustes, mais Chagall  semble dire : voyez, ils ne savent ce qu’ils font. Il faut que cessent les violences, en particulier contre le peuple Juif, et que vienne le temps du pardon.

A bien observer la tableau, un détail m’a frappé. Une échelle blanche part de la synagogue en train de brûler, et on la retrouve, comme sortant des flammes de la Torah, également en feu, qui monte vers la croix du Christ. Ne peut-on y voir le symbole d’un appel lancé, par Chagall, à s’élever jusqu’à la hauteur de ce cri lancé à la Croix :

« Pardonne-leur, ils ne savent ce qu’ils font. »

            Cette œuvre nous donne à voir, à la fois, une violence généralisée ( antisémite ), et, de la part d’un Juif, Chagall, la possibilité de représenter malgré tout, en Croix, celui qu’adorent les persécuteurs : le Juif, Jésus. Peindre une « Crucifixion blanche », en 1938, a quelque chose de stupéfiant, qui peut encore être entendu, aujourd’hui. Le temps de la haine est toujours notre présent, quelles qu’en soient les victimes.

Nous avons le choix entre : crier avec eux qui crient : « Haïssez ! », ou bien, non pas fermer les yeux sur la violence, mais s’y confronter, la comprendre ( prendre en soi ) et lui opposer, avec fermeté, un autre cri, de pardon, celui-là :

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! »

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